Bobillette

L’assurance

Par Ariane Chalant

Publié le 29 juin 2025

Un dégât des eaux, oui, je sais ce que c’est. Mais, ce que je ne sais pas, que je ne comprends pas, c’est la différence de traitement d’une fois sur l’autre.

Il y a cinq ou six ans, je rêvais une nuit que j’étais en camping, sous une tente et que la pluie traversait la toile. J’étais trempée et me levais en catastrophe. Réveillée en sursaut, je m’aperçus qu’il pleuvait réellement du plafond.

Je commençai par pousser mon lit puis éponger mais je m’aperçus assez vite que je n’en viendrais pas à bout lorsque la sonnette retentit. C’était mon voisin de l’étage inférieur qui venait aux nouvelles. De l’eau coulait chez lui …

Il fallut appeler les pompiers qui entrèrent par l’extérieur dans l’appartement du dessus, déserté cette semaine-là par son propriétaire. Ce qu’ils découvrirent ne laissait rien augurer de bon. Un joint du cumulus avait lâché, laissant se déverser cent cinquante litres d’eau sur son carrelage, sa moquette, traversant le sol ensuite, mon plafond, mes murs, mon sol…

Il fallut assez vite appeler EDF pour couper l’électricité. L’eau coulait des plafonds de toutes les pièces. Ce fut le branle-bas de combat. 

Tandis que les pompiers aspiraient au huitième, j’épongeais au septième, et mon voisin au sixième.

Plus de trois heures passèrent dans une frénésie de contenir la fuite, évacuer l’eau, assécher l’ensemble.

La nuit avait passé, c’était le petit jour…

Notre déclaration commune à nos compagnies d’assurance respectives fut établie dès le lendemain. L’assurance envoya un expert dans les huit jours et régla rapidement les frais nécessairement engagés.

Il y a quelques mois, du plafond de ma salle de bains, de l’eau se mit à couler goutte à goutte. J’avertis rapidement mon voisin de l’étage supérieur qui me dit avoir eu des ennuis avec son parquet qui gonflait, à l’entrée de sa salle de bains. Il pensait que cela venait de l’immeuble.

Je fis une déclaration à mon assurance avec copie au syndic. Celui-ci ne prenant pas contact, alors que j’avais reçu l’accusé de réception, je téléphonai une fois, deux fois, trois fois, tous les jours jusqu’à ce qu’au cinquième jour, je finis par avoir le président du syndic auprès duquel je déposai ma requête d’avoir rapidement un plombier pour exécuter la recherche de fuite. Il envoyait quelqu’un…

Pendant ces jours, le plafond et le mur de ma salle de bains continuaient à dégouliner et commençaient à s’abîmer sérieusement.

Recherche faite, le plombier de l’immeuble repéra l’origine de la fuite : le joint du siphon de la baignoire de mon voisin du dessus n’était plus étanche. Cela venait donc de chez lui et, effectivement, l’eau se tarit au bout de quarante-huit heures.

Nous fîmes une seconde déclaration, conjointe cette fois.

C’est alors que les choses se compliquèrent. 

En plus de ma déclaration de sinistre, envoyée en recommandé, cinq appels téléphoniques à mon assurance furent nécessaires pour, je le croyais naïvement, régler la question.

La personne que j’eus au bout du fil, aussi aimable qu’une porte – ni bonjour, ni aucune civilité- ne trouvait ni dossier, ni courrier. Elle finit néanmoins par retrouver mon courrier, égaré ! je dus lui faxer un double du devis que je lui avais déjà envoyé, sur ses indications et qui avait aussi été égaré ! Elle me dit tout de go que le devis était trop cher. 

Je lui demandai quelle était le coût de l’heure de peintre, hors matériaux, considéré comme correct par l’assurance. Impossible d’obtenir une réponse sur le champ. 

C’était trop cher mais elle ne savait pas combien coûtait une heure de peintre. Elle me proposa de faire faire le travail par une connaissance et que je sois indemnisée. Je m’étonnai qu’une assurance, officiellement, encourage le travail au noir. Elle jura ses grands dieux qu’il n’était pas question de cela mais que je pouvais avoir des connaissance, qui, que… 

Je finis par obtenir une indication sur le coût de l’heure de peintre évaluée par l’assurance, un taux dérisoire, le quart du montant du devis. Pensant que le peintre auquel je m’étais adressé était particulièrement cher, je lui proposai de faire faire un autre devis. Elle allait me le demander.

Cela prit encore du temps. Le second devis était, à dix euros près, du même montant que le premier. J’en fis faire un troisième, qui était au même prix exactement. Moi-même étonnée de la similitude des tarifs, je rappelai l’assurance. Le discours de ma correspondante était toujours le même, au point que je croyais entendre un enregistrement : faites faire les travaux par des connaissances. Le devis est trop cher.

Je n’en croyais pas mes oreilles. J’avais fait faire trois devis pour rien ! des devis que j’avais eu toutes les peines du monde à obtenir gratuits. J’avais passé plus de douze coups de téléphone et le troisième devis n’avait été fait que parce que j’avais demandé un devis complémentaire pour une autre pièce.

La personne de l’assurance me dit qu’elle allait m’envoyer une entreprise qui travaillait pour eux. Elle appelait l’entreprise. Quelqu’un prendrait contact avec moi.

Plus d’une semaine passa sans que rien ne se produisit. Cela faisait deux mois que le sinistre avait eu lieu. Au bout de dix jours, je rappelai de nouveau l’assurance. J’eus une nouvelle interlocutrice, plus aimable. Elle ne comprenait pas le retard. Elle rappelait l’entreprise.

J’attendis encore trois jours avant d’avoir un appel de cette entreprise en la personne d’un peintre. Rendez-vous fut pris.

Un homme d’un certain âge se présenta. Il connaissait bien son métier et, en deux jours, répara les dégâts. Nous parlâmes un peu. Il connaissait un chef de bureau de l’assurance, qui le fournissait en travaux. Il ne vivait que de ces commandes, sans avoir à faire de devis. Quand, par hasard, il manquait de mission, il téléphonait. Dans la demi-journée, il avait cinq chantiers. Il savait qu’une entreprise était aussi sollicitée, remplissant ainsi son carnet de commandes mais il n’avait jamais voulu y travailler. Les ouvriers, dont il connaissait certains, y étaient exploités.

Et puis, les mots prirent un autre tour : cet homme me parla de sa vie et de son rêve de rentrer au pays. Il était particulièrement émouvant lorsqu’il évoquait la couleur du ciel de son pays natal. Il devenait intarissable et je me sentais incapable de l’interrompre. Je l’écoutai, je l’encourageai vivement à réaliser son rêve avant de laisser passer des années dommageables et fatidiques au terme desquelles il se retrouverait exactement dans la situation d’aujourd’hui, des années de regrets supplémentaires en prime.

Nous nous quittâmes sur une note à la fois nostalgique et dynamique. Je ne regrettais pas d’avoir fait cette rencontre. Il me dit en partant qu’il ne regrettait pas d’avoir parlé avec moi, qu’il se sentait plus courageux !

Je restais perplexe sur les procédures de l’assurance !