Bobillette

Où il est question de chat

Par Ariane Chalant

Publié le 20 septembre 2025

A l’intention de mes amis et certains membres de ma famille qui vouent à cet animal une détestation irrationnelle et persistante.
A l’intention de membres de ma famille et certains de mes amis qui affectionnent particulièrement ce félin, de façon tout aussi irrationnelle et persistante.

L’histoire du chat remonte bien loin puisqu’on a retrouvé des ossements de chats à Jéricho dans un site du Néolithique vieux de plus de 9000 ans. 

En Égypte, à partir de 1567 ans avant J-C, le chat devient un animal sacré. Les Égyptiens voyaient en lui une incarnation de Bastet, déesse solaire à tête de chat, associée à la féminité et à la fertilité. Ceux qui désiraient obtenir une faveur de sa part offraient les meilleurs poissons à ses représentants terrestres, les chats. Les chats étaient aussi appréciés à l’époque comme chasseurs, les rongeurs étant un terrible fléau pour les productions agricoles de la riche vallée du Nil. Ce qui est peut-être moins connu, est que les Égyptiens s’en servaient également, tenus en laisse, pour la chasse aux oiseaux. A l’aide d’un boomerang, l’oiseau était abattu et le chat, alors libéré, le rapportait. A la mort d’un chat, son corps était momifié, puis enterré dans des tombeaux pour chats. On a retrouvé des milliers de ces momies. Vous pouvez en voir au Louvre. Tuer un chat était un crime grave puni de mort. 

Changement d’époque, changement de mœurs. 

Le Moyen Âge en Europe voit les chats tomber en défaveur. Du 13e au 16e siècle, l’inquisition tente d’éradiquer hérésie, magie et sorcellerie. En 1233, les chats noirs sont condamnés par le pape Grégoire IX et éliminés sauf s’il portent au cou la touffe blanche appelée « marque de l’ange » ou « doigt de Dieu ». Pourquoi les chats noirs ? L’inquisition représente les hérétiques vénérant le diable sous la forme d’un chat noir. Par ailleurs, les sorcières sont accusées de se transformer en chats noirs pour tenir leurs sabbats (réunions nocturnes). Leur pouvoir était toutefois limité à neuf transformations d’où l’allégation qu’un chat possède neuf vies. Les procès de sorcières se finissaient toujours par la mort des accusées noyées ou brûlées vives avec leurs chats. Le chat devient victime de la cruauté collective. Dans de nombreuses villes d’Europe, souvent en période de Carême, on organisait des bûchers pour y sacrifier des centaines de chats. Les malheureux chats étaient suspendus par la foule en haut d’un mât situé sur le bûcher ou jetés dans des paniers d’osier au milieu du brasier. 

Quelques attributs du chat lui valent ces traitements d’exception. Le chat possède des sens très développés, particulièrement 

L’ouïe. Les oreilles du chat sont très mobiles et pivotent de façon indépendante, ce qui lui permet de localiser avec précision la source d’un bruit et sa distance, même lointaine. Son oreille est particulièrement sensible dans les hautes fréquences : il perçoit des ultrasons jusqu’à 30 000 Hz alors que l’oreille humaine est limitée à 20 000 Hz. Un chat peut chasser en détectant les ultrasons de stress d’une souris ; 

La vue. Comme nous, il possède une vision binoculaire qui lui permet d’apprécier le relief jusqu’à 20 m. Mais c’est dans la perception des mouvements que se fait toute la différence. Le chat voit bouger ce qui nous semble immobile. Il peut détecter un mouvement d’à peine 0,4 cm par seconde. Il a une bonne vision crépusculaire, c’est à dire que son acuité visuelle est multipliée par deux lorsque la lumière est relativement faible. Les chats voient six fois mieux la nuit que l’homme : ses pupilles s’arrondissent alors pour capter plus de lumière. Son champ de vision total est également plus étendu que celui de l’homme : 287° contre 180 ;

Quant à son odorat, il est quarante fois plus performant que celui de l’homme et a une grande importance pour délimiter son territoire. Par ailleurs, c’est son odorat développé qui lui permet de détecter la nourriture avariée et empoisonnée. Le chat flaire avec précaution la nourriture avant de la déguster. 

Son expression langagière est relativement développée. Le chat possède plus de vingt modulations de voix différentes, chacune étant destinée à transmettre une information spécifique. Il se sert du miaulement pour communiquer avec son maître ou les humains qui lui sont proches. Il miaule pour différentes raisons : dire bonjour, montrer sa présence, manger, qu’on le fasse sortir ou entrer dans la maison, ou encore se plaindre. Avec un minimum d’habitude, le maître arrive à reconnaître le miaulement de son chat. 

Le chat ronronne également de différentes façons. Quand un chat choisit de s’installer dans vos bras, c’est un signe de confiance. Il se mettra à ronronner si vous le caressez d’une façon qui lui rappelle la toilette maternelle. Des études ont montré que caresser un chat qui ronronne peut abaisser la tension artérielle de celui qui le caresse et les tensions en général. Ce qui fait dire que c’est un animal thérapeutique.

Le chat est très attaché à son territoire. Afin de le préserver de l’intrusion par des indésirables, il marque sa propriété en déposant son odeur de différentes manières (jets d’urine, griffures, sécrétion de substances odoriférantes, sur sol, portes ou murs). Il reste attaché toute sa vie à des lieux où il a vécu, il reconnaît un territoire après plusieurs mois d’absence. Il est plus attaché semble-t-il aux lieux qu’aux maîtres des lieux.

Parmi ses singularités, on a beaucoup dit que le chat avait un don de prémonition. Les témoignages sont pléthore qui décrivent des chats ayant pressenti certains phénomènes naturels comme les orages, tempêtes, cyclones, tremblements de terre ou éruption volcanique. Qui ne connaît la traditionnelle image du chat passant la patte derrière l’oreille et annonçant ainsi la pluie, du moins dans la croyance populaire ? Particulièrement sensibles aux modifications du taux d’humidité, les chats le sont aussi à l’augmentation de la charge d’électricité statique, aux infra et aux ultra- sons, aux variations brusques du champ magnétique et à l’accroissement des vibrations du sol d’où probablement leur faculté de pressentir, avant les humains, certains phénomènes naturels comme cyclone ou tremblement de terre. On a vu des chats détaler hors des bâtiments dans les minutes qui précédaient une secousse tellurique, d’autres miauler obstinément pour rentrer avant qu’un seul nuage annonce l’imminence d’un orage. Le chat possède-t-il des capteurs spéciaux, grâce en particulier à ses vibrisses ou aux coussinets de ses pattes ? Le futur nous le dira peut-être… 

Les précognitions deviennent plus troublantes lorsqu’elles sont liées à l’être humain. 

Dans la vie quotidienne, des maîtres ont pu constater dans un appartement, le chat sensible au bruit de porte de l’ascenseur lorsqu’un membre de la famille arrivait. Que dire des chats qui réveillent leurs maîtres uniquement si ceux-ci font des cauchemars ? Peut-être ont-ils une “vision“ de notre psychisme, que leur font ressentir certaines de nos sensations ? Les Egyptiens, coïncidence troublante, avaient fait du chat le gardien du sommeil… Plus extraordinaires sont les manifestations (miaulements, manière d’accourir, nervosité) remarquées à l’occasion d’un événement plus spectaculaire  comme le retour non attendu d’un soldat à la fin de la Seconde Guerre mondiale ; ou encore le récit fait par l’écrivain Claude Farrère racontant comment son chat, en train de dormir, s’était réveillé en proie à une terreur indescriptible, en pleine nuit, au point de se réfugier dans les bras de son maître, alors qu’au même instant, on assassinait la voisine de l’écrivain. Comment ne pas s’interroger sur le fait qu’un chat qui tient volontiers compagnie à une malade quitte le lit et même la chambre quand cette personne est près de mourir ? Quelle explication donner au fait qu’un siamois comprenne l’inutilité de miauler parce que sa maîtresse est atteinte de surdité, et qu’il adopte dès lors un langage « gestuel » pour attirer son attention et se faire comprendre ? 

L’homme n’a certainement pas fini d’explorer les multiples possibilités du cerveau du chat, et, rétrospectivement, il est aisé de comprendre pourquoi, depuis les temps les plus anciens, on a prêté à cet animal toutes sortes de pouvoirs, allant jusqu’à le diaboliser parce qu’il était impossible d’expliquer les méandres de son comportement. Les temps changent ; nous nous intéressons à lui à présent pour les mêmes raisons. Pour étayer ces témoignages à profusion, il n’existe malheureusement que très peu d’études scientifiques consacrées aux bienfaits de cet animal. Les chercheurs ont néanmoins montré une corrélation entre la présence d’un chat et l’abaissement de la tension artérielle, de même qu’un niveau moindre de stress et d’anxiété.

Il n’en reste pas moins que le chat est un remarquable chasseur grâce à une ouïe et une vue perçantes ; qu’il peut nous avertir d’une catastrophe naturelle imminente et nous apaiser quand nous sommes stressés. Nous pouvons aussi choisir un chat pour son esthétique, son indépendance, sa facilité à vivre en milieu urbain (propreté, et indépendance). Ce félin ne laisse pas indifférent et s’il y a aujourd’hui en France près de quinze millions de propriétaires de chats, soit quarante pour cent des foyers français, peut-être y a-t-il des raisons précisément peu rationnelles de l’ordre d’un champ de communication autre, qui reste mystérieux.